Locaux d'activité
Articles Jan 2022

Le marché des locaux d’activités : impact de la crise et évolutions

Le point de vue de Jérémy Cohen, Directeur Commercial Activités IDF d’ALSEI ENTREPRISE et et Cédric Collet, Directeur Activités IDF & Logistique urbaine de NCT

Jérémy, Cédric, quel retour d’expérience pouvez-vous nous faire de l’année qui s’est écoulée à propos du marché des locaux d’activité ?

JC : En 2021, la commercialisation des parcs d’activités a connu un franc succès. En effet, il existe une forte croissance du nombre de prises à bail de nos programmes en cours de construction : à Vaires-sur-Marne et à Chanteloup-en-Brie, en Seine-et-Marne (77), nous constatons un taux de remplissage de 85%, à Romainville, en Seine-Saint-Denis (93), il est de 75%. Depuis le développement du concept INNOVESPACE, qui offre des possibilités aux entreprises d’évoluer au sein du même parc d’activités, nous remarquons une réelle évolution des besoins des utilisateurs : ils recherchent principalement des locaux fonctionnels et évolutifs et ont rajouté dans leurs critères le confort des salariés et les services de proximité.

CC : L’année écoulée et les confinements successifs ont eu un impact certain sur le marché des locaux d’activité, qui s’est vu évoluer à une vitesse fulgurante. Le marché est de plus en plus pressant et compétitif entre les différents utilisateurs, qu’ils soient acquéreurs ou locataires (proximité de Paris et 1ère couronne…). L’explosion du e-commerce, du click and collect, du « sans contact » combiné à des perspectives d’un meilleur avenir ont clairement fait exploser la demande de locaux d’activité. Conséquence directe, les utilisateurs se voient aujourd’hui contraints de s’éloigner pour trouver chaussure à leur pied. À défaut, ils devront croiser le fer avec les investisseurs qui ont un appétit d’ogre pour les locaux d’activité ou accepter des loyers à la hausse. En effet, cette classe d’actifs est devenue une valeur refuge pour de nombreux investisseurs qui ne juraient que par d’autres classes d’actifs. Hier, cette classe d’actifs, était qualifiée de parent pauvre de l’immobilier d’entreprise francilien, aujourd’hui les locaux d’activités situés en première couronne parisienne constitue un véritable « cercle d’or ».

Jérémy, comment procédez-vous dans votre recherche d’opérations ? Votre processus s’est-il adapté ces derniers temps face à la tension du marché ? Cédric, comment procède NCT pour accompagner des acteurs tels qu’ALSEI ENTREPRISE ?

JC : Les opportunités de développement de parc d’activités sont de plus en plus concurrencées. Nous constatons la présence d’investisseurs et d’opérateurs spécialisés dans d’autres segments d’actifs (hôtellerie, résidentiel…) qui souhaitent désormais développer des projets de parcs d’activités. Nous avons la chance de connaître l’ensemble du marché francilien et de pouvoir proposer des projets innovants en adéquation avec les besoins des entreprises d’un territoire. Les commercialisateurs comme NCT ont œuvré à l’évolution du marché des locaux d’activités. Il y a encore quelques années, le marché des locaux d’activités était une classe d’actifs méconnue des investisseurs. Il y a une professionnalisation du métier avec la réalisation d’études et de points marché spécifiques à ce segment. Nous travaillons en étroite collaboration avec les collectivités, les aménageurs
et les utilisateurs pour imaginer et développer la ville de demain. Depuis quelques années, nous faisons l’acquisition de sites industriels en friche ou en activité et réorganisons les espaces afin de permettre aux entreprises industrielles d’optimiser leurs coûts d’exploitation et de revaloriser des fonciers en friche. Beaucoup d’options sont envisagées pour permettre de faire des opérations de plus en plus grandes et plus complexes avec une réelle mixité.

CC : Accompagner des acteurs tels qu’ALSEI ENTREPRISE relève pour un conseil comme la nôtre d’un accompagnement toujours plus sur-mesure. S’il s’agissait de savoir quels actifs proposer au marché afin de coller au mieux à la demande, il s’agit aujourd’hui de conseiller avec une précision horlogère nos clients offreurs sur les valeurs actualisées. Nous sommes consultés par les investisseurs quant au comportement futur du marché, et c’est là la difficulté car personne ne sait précisément ce que l’avenir peut réserver, nous établissons plutôt des prédictions quant aux faits passés, les tendances observées afin de les guider au mieux. Il est important pour une agence que ses différents départements travaillent main dans la main, pour créer une vraie force de communication interne ; c’est ce qui permet entre autres à mon sens de conclure des deals, notamment en temps de crise.

Récemment nous observons l’émergence de l’immobilier en étage, et pas seulement en intra-muros, pouvez-vous nous dire d’où provient ce besoin et à quelles cibles il s’adresse ? Cédric, avez-vous observé ce même type de tendance à l’étranger et quelles sont les analyses qui peuvent en être faites ?

CC : Encore une fois, la rareté de l’offre étant un phénomène d’ampleur, nous constatons parallèlement une diminution cruelle du neuf. Cela est en plus accentué par des contraintes d’ordre environnemental ou de politique urbaine. L’immobilier possède une réelle force d’adaptation et de résilience, et est amené à évoluer sans cesse. Même si l’horizontalité est la pierre angulaire de la logistique urbaine et des locaux d’activités qui doivent rester accessibles aux moyens et gros porteurs, nous observons la renaissance de l’immobilier en étage, qui fait peu à peu son entrée sur le marché français. Le gain d’espace est une des motivations premières : prenons l’exemple de la logistique urbaine et de ses désirs d’implantation en intra-muros. Comment développer des plateformes dans un espace réduit dans lequel il est très difficile de modifier l’environnement immédiat ? S’enterrer en sous-sol peut être l’une des solutions ou s’élever en étages. Cela permettrait notamment de mixer la logistique urbaine avec des opérations de logements ou tertiaires. La logistique urbaine à étages est un réel levier pour réutiliser des espaces qui parfois étaient laissés à l’abandon, tout en ne nuisant pas au confort des riverains et habitants du quartier.

JC : L’immobilier urbain est complexe, il faut réfléchir à la réversibilité de l’immeuble, pour sa pérennité. Les locaux d’activités en étage existent depuis de nombreuses années. En 2010, nous avions développé INNOVESPACE Saint-Denis en Seine-Saint-Denis (93) et compte tenu de l’emplacement, nous avions imaginé un parc d’activités urbain développant des locaux d’activités à rez-de-chaussée et étages accessibles par une rampe d’accès. Les différentes prises à bail des locaux de ce parc et le taux de remplissage stable entre 95% et 100% nous confirment que ce dernier répond bien aux besoins des entreprises. La loi Climat et Résilience publiée en août 2021 est, entre autres, celle qui a fait émerger cette tendance, de par son objectif zéro artificialisation nette : aujourd’hui nous développons quasiment le même nombre de m² mais concevons les projets différemment. Étant donné
l’équation économique de ces projets, ces derniers trouverons preneurs au sein de zones denses et urbaines dans lesquelles les entreprises accepteront également d’adapter leurs modes de fonctionnement. Les utilisateurs du dernier kilomètre, les entreprises de conseil et de services, sont les plus séduits par ce nouveau concept immobilier en y adaptant leurs usages pour s’y intégrer.

Jérémy, parmi les opérations en cours menées par ALSEI ENTREPRISE, sur quels types de modèles s’appuient-elles ? Qu’en est-il de la revente à l’investisseur ? Cédric, quelle tendance de modèles constatez-vous chez les clients ? Pouvez-vous illustrer les avantages des différents modèles ?

JC : On s’adapte au cas par cas après des analyses très fines du marché. Il n’y a pas de réelle stratégie sur la « verticalité ». Tout dépend du foncier, de l’emplacement, du besoin, de l’accessibilité et de l’environnement économique présent et en devenir. Concernant la revente à l’investisseur, elle est en forte croissance : les investisseurs veulent de plus en plus être en amont des opérations, malgré l’augmentation des coûts fonciers. La logistique connaît un réel engouement des investisseurs.

CC : Concernant les utilisateurs, il devient de plus en plus dur pour eux de se positionner sur ce marché tendu. La pression des conditions de financement y joue en grande partie, surtout lorsqu’ils se positionnent face à des investisseurs. Les investisseurs, pour leurs parts, connaissent des délais de transaction un peu allongés, ce qui peut parfois freiner les deals. De nouveaux modèles émergent, notamment certains déjà existants qui se déplacent en seconde couronne.

Enfin, le marché de la logistique et des locaux d’activité valeur refuge pérenne ou El Dorado à durée déterminée ?

CC : Avec sa sortie de l’ombre, le marché des locaux d’activités qui était un marché des pure players s’est ouvert à une multitude d’investisseurs voyant en cette classe d’actifs une manière de se diversifier ou parfois un El-Dorado. La demande locative soutenue combinée à la rareté de l’offre disponible tend à le rendre de plus en plus attractif pour les investisseurs. L’engouement pour le produit logistique des locaux d’activités se constate également au-delà du tandem investisseur et utilisateurs. Le rôle de la politique est revenu au-devant de la scène, comprenant les enjeux de cette classe d’actifs et l’importance qu’il en découlait en matière d’environnement, de conception de la Ville durable et de service aux administrés. Cette crise a clairement remis au centre de l’échiquier le marché des locaux d’activité.

JC : Depuis plusieurs années, le marché de la logistique et des locaux d’activités est stable. Compte tenu de la rareté de l’offre locative, nous observons une augmentation des loyers d’environ 15% sur 3 ans. L’attractivité de cette classe d’actifs pour de nombreux investisseurs crée une forte concurrence qui reste cohérente par la stabilité des taux de remplissage des parcs d’activités. Cette résilience est marquée par l’occupation d’entreprises aux métiers industriels et manuels qui ne peuvent s’adapter au télétravail. Il y a donc une certaine pérennité dans le marché de la logistique et des locaux d’activités.

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Découvrez le point de vue de Jérémy Cohen, Directeur Commercial Activités IDF d’ALSEI ENTREPRISE et de Cédric Collet, Directeur Activités IDF & Logistique urbaine de NCT au travers cette interview croisée